- Fonctionnement d’un système de chasseurs cueilleurs dans une économie de ressource alimentaire de mammouth.
D’autres sites découverts et fouillés depuis 1871
- grande superficie des sites à Kiev-Kirilovskaia (Kvoikha à la fin du XIX° siècle)
- art des statuettes à Mézine (Volkov au début du XX° siècle)
- cabanes en os de mammouths à Mézine, Mejiriche et Dobranichivka (Pidoplichko et Chovkoplass dans les années 1950)
- sites russes du bassin de la Desna (Elisseevichi, Timonovka, Ioudinovo).
- D’autres sites, sans cabanes en os de mammouths, ont révélé des activités saisonnières : bivouacs, chasses spécialisées, approvisionnement en matières premières (silex, coquillages fossiles et marins, ambre) comme à Fastiv, Semenivka, Jouravka, etc.
- Il est ainsi possible aujourd’hui d’identifier un territoire de peuplement d’environ 500 000 km2 dans le bassin moyen et supérieur du Dniepr.
- La durée de ce peuplement, de l’ordre de 1 000 ans, il y a dix-huit mille ans
- il révèle une spécialisation des chasseurs aux ressources offertes par les difficultés d’alimentation des mammouths face l’abondance de neige apportée par une augmentation de l’humidité du climat, qui annonce la fin de la glaciation et qui entraîne leur extinction en Europe et leur refuge toujours plus lointain vers l’Est.
- Les chasseurs du Mézinien sont organisés en un réseau de nombreux groupes d’une trentaine de personnes, répartis en famille élargie dans quatre ou cinq cabanes en os de mammouths d’environ 8 mètres de diamètres, construits dans des habitats résidentiels de longue durée d’occupation dans l’année, à partir desquels des déplacements sont opérés à l’intérieur du territoire sur parfois près de 600 km pour des activités variées de chasses, d’approvisionnement et de regroupements ou de rencontres intergroupes.
- La démographie des groupes est liée à celles des mammouths et à leur taux de disparition annuelle ; les simulations fournissent une densité des groupes variant de 100 à 500 groupes sur le territoire de 500 000 km2 soit une densité de 0,007 à 0,035 h/km2. Mais, en cent quarante ans, les archéologues n’ont découvert qu’une vingtaine de sites de ce peuplement !
Le site est situé sur un versant orienté au Nord de la vallée de l’Udaï, sur un promontoire d’environ 50 m x 30 m découpé par les lits de deux ravines fossiles qui descendent du plateau (figure 2). Le site est situé à vingt mètres environ au-dessus du lit actuel de la rivière.
Le site de Gontsy est le premier site paléolithique reconnu en Europe orientale, dont la découverte revient à G.S. Kyriakov en 1871. Des fouilles de courte durée ont eu lieu en 1914-1915 et en 1933. En 1993, un projet de collaboration de l'Institut d'Archéologie de l'Académie des Sciences d'Ukraine et du CNRS (UMR 7041, équipe "Archéologie de l'Asie centrale"), permet à une nouvelle équipe, sous la direction de L. Iakovleva et F. Djindjian, de reprendre les fouilles du site, sans interruption (vingt-deux ans) jusqu’à ce jour.
Les deux niveaux archéologiques, le niveau supérieur et le niveau inférieur, sont situés à partir de deux à trois mètres sous la surface du sol actuel, suivant les endroits. Le niveau inférieur correspond à l’habitat à cabanes en os de mammouths.
- Le niveau supérieur correspond à une halte saisonnière de courte durée à un moment où les cabanes étaient déjà effondrées et en grande partie recouvertes de lœss.
Figure 3 à droite - Grande coupe en haut de ravine à Gontsy enregistrant les derniers 250 000 ans du climat de l’Europe orientale.
- Les dates 14C AMS obtenues sur des échantillons d’ossements confiés au laboratoire de datations d'Oxford (U.K) mettent en évidence une occupation du site sur une période courte centrée autour de 14 400 BP. La comparaison des dates 14C AMS sur os obtenues à Gontsy par une procédure rigoureuse de datation avec les anciennes dates conventionnelles sur os brûlés des sites à cabanes en os de mammouths du bassin moyen et supérieur du Dniepr a permis de critiquer la fiabilité de ces dates qui s’échelonnent de 19 000 BP à 12 000 BP environ, qui laissait croire à un peuplement de longue durée dans cette région.
- Les résultats de cette validation, date par date, ont conclu à un peuplement de courte durée situé entre 15 000 BP et 14 000 BP environ dans cette région, largement confirmé depuis par de nouvelles datations radiocarbone AMS effectuées sur ces autres sites.
L’étude du paléoenvironnement à partir des restes de mammifères, de rongeurs, de mollusques (malacofaune) et de pollens (palynologie) a permis de reconstituer un climat froid et sec de la fin du pléniglaciaire supérieur, avec un paysage ouvert de steppe-toundra avec très peu d’arbres (sauf le pin), des éricacées et de steppiques
La liste de la faune chassée à Gontsy comprend
le mammouth,
le renne,
le bison,
le cheval,
le rhinocéros,
le bœuf musqué,
le lièvre,
la marmotte
et
les carnivores à fourrure :
le renard bleu,
le loup,
le lynx,
le glouton,
l’ours brun,
le lion.
Toutes les composantes spatiales d’un camp de chasseurs-cueilleurs paléolithique sont présentes dans le site de Gontsy, où l’équipe a pris le temps de les fouiller toutes pour essayer d’obtenir, pour la première fois, une reconstitution globale d’un site et de toutes les activités auxquelles les chasseurs se sont livrés au cours de leur occupation.
La zone des habitations se trouve sur le promontoire, sur une ligne approximative Nord-Sud.
- Six structures en os de mammouths ont été découvertes depuis 1871, dont
quatre grandes cabanes et
une petite cabane.
Les nombreuses fosses entourant les constructions en os de mammouths ont servi à
- l’extraction du lœss pour colmater et isoler du froid les parois des cabanes, à
- stocker les aliments l’été sur le permafrost du fond de fosse, à
- stocker des matériaux de constructions et comme dépotoirs.
Peinture visualisant un site à cabanes en os de mammouths du Mézinien (reconstitution par I. Pidoplichko du site de Mejiriche). Musée d’Histoire Naturelle de l’Académie des Sciences d’Ukraine (Kiev).
Les zones d’activités, situées entre les cabanes, fournissent une distribution spatiale de - lames
- lamelles
- outils en silex
- outils en bois de renne et en ivoire
- blocs de colorants
- tâches d’ocre de différentes couleurs
- tests de coquillages
- objets de parure abandonnés, qui, grâce aux études tracéologiques des silex taillés révèlent des activités de taille du silex
- travail des matières osseuses et du bois végétal
- tannage des peaux
- préparation des colorants
- fabrication d’outils.
les zones de rejets ou dépotoirs
vidanges de foyers
amas de silex de débitage
une zone de boucherie d’animaux amenés entiers dans le site et dépecés sur place:
- des rennes
- des animaux à fourrure (carnivores, lièvre, marmotte)
l’accumulation d’ossements de mammouths, située sur le versant et le fond de la paléoravine orientale, est en relation directe, stratigraphique, taphonomique et fonctionnelle avec l’
- habitat à cabanes en os de mammouths
Elle correspond à l’évènement unique d’un troupeau naturel composé d’individus femelles d’âge variable, subadultes, juvéniles et bébés, mort pendant l’hiver dans le fond d’une ravine sèche et peu profonde. Leurs carcasses ont été très largement exploitées par le groupe humain qui n’y a laissé que des os entiers et en bonne état de conservation :
- pattes,
- côtes,
- vertèbres et
- os hyoïdes
souvent encore en position quasi-anatomique mélangés à des outils en silex et en matière dure animale, et avec de nombreux foyers. Les gros ossements qui en ont été extraits, ont été utilisés pour la construction des cabanes.
Six structures ont été reconnues à ce jour :
La structure n°1 (cabane n+1), est une
- cabane circulaire, de 5,5 mètres de diamètre,
à fondations et parois en os de mammouths découverte en 1915 par V.M. Scherbakivski.et démontée en 1977 par V.I. Sergin. La cabane était entourée de
- neuf fosses
- une petite cabane (structure n°2).
La structure n°2 (cabane n°2), située au nord-ouest de la précédente, a été découverte en 1998. Il s'agit d'une
- petite cabane ovalaire en cuvette de dimensions
- 2,7 x 1,7 m
La structure n°3
a été découverte en 2002, sous le hangar n°1, à cinq mètres environ au nord-ouest de la structure n°1. Décapée seulement partiellement, il est encore trop tôt pour en reconnaître la superficie. Elle est constituée, pour la partie dégagée, d'un crâne, de trois bassins, d'un fémur, d'un humérus, d'une omoplate et de
- trois défenses de mammouths.
La structure n°4 (cabane n°3), dégagée partiellement en 2009 et 2010 est une grande
- cabane, de plus de 7 mètres de diamètre. Sur la surface décapée, plus de
- 179 gros ossements et défenses de mammouths dont
- 8 crânes,
- 103 défenses,
- 5 mandibules,
- 50 omoplates,
- 4 bassins et
- 9 os longs
ont été dénombré
La structure n°5 (cabane n°4), dégagée en 2011-2012, est une
- cabane de 4 x 2,6 m2.
Elle est constituée d’
- un ovale de
- quinze crânes, de
- trois os longs dont
- un fémur qui présente la gravure d’un chevron emboité féminin, de
- six bassins, de
- quatorze omoplates et de
- vingt-quatre défenses
La structure n°6 (cabane n°5), en cours de dégagement depuis 2011, est une grande
- cabane ovalaire de 8 mètres de diamètre
Sur les 30 m2 décapés en 2011-2012, l’inventaire des ossements de constructions est le suivant :
- 28 crânes,
- 7 fragments de crânes,
- 7 mandibules,
- 52 défenses,
- 43 omoplates,
- 4 bassins et
- 15 os longs
ont été dénombrés
La culture matérielle
L'industrie en matière dure animale
est riche et variée, avec
- des sagaies en ivoire de défense de mammouth,
- des pics en extrémité de défense de jeune mammouth,
- des tranchets sur bassin de mammouth,
- des couteaux en côtes de mammouth,
- des marteaux en bois de renne,
- des alênes en os de lièvre ou de renard et
- des aiguilles à chas en ivoire.
L’industrie lithique
exploite une séquence unique de débitage, qui a permis d’obtenir les supports
- laminaires puis
- lamellaires, dont la taille diminue au fur et à mesure de l'exploitation du nucléus, procédé lié à la dimension réduite des rognons de silex approvisionnés
- Les grattoirs en bout de lame,
- les burins,
- les pièces retouchées et
- les lamelles à dos sont les principaux types d’outils en silex.
- Les burins dominent l'outillage (45%), principalement représentés par des exemplaires sur cassure et sur troncature.
- Les grattoirs (27%) sont des grattoirs simples en bout de lame, presque unguiformes.
- Les lames et lamelles retouchées et troncatures (20%),
- les becs (2%),
- les pièces à dos (6%), et
- les pointes (moins de 1%) complètent l'inventaire.
Les outils multiples et composites représentent près de 20 % du total de l'outillage, indice de réemploi du à la rareté de la matière première.
Seize différents types de silex ont été identifiés, locaux pour la grande majorité du débitage mais également lointains pour des outils et des nucléus ramenés sur l’habitat.
L’usage du colorant était intensif , marqué par une présence importante de nappes et de tâches d’ocre de couleur variée (jaune, rouge) ainsi que de nombreux blocs et bâtonnets d’ocre dans les zones d’activités et dans les zones de vidange et un exceptionnel foyer de colorant.
Les coquillages d’origine fluviatile, marine (des rivages de la Mer Noire, alors un lac) et fossile (des affleurements du Sarmatien miocène, des anciens rivages de la mer Paratéthys) ont été activement recherchés, jusqu’à des distances de 600 km. A Gontsy, ont été trouvés des coquilles d’Unio (moule d’eau douce) trouvés dans la rivière Udaï, un cardium provenant de la Mer Noire et un Dorsanum Corbianum, fossile du Sarmatien, analogues à ceux trouvés dans les autres sites du Mézinien du bassin du Dniepr, notamment à Mézine.
Les manifestations artistiques de Gontsy expriment le répertoire classique de l’art du Mézinien :
- Gravures géométrique sur des défenses de mammouths,
- Art sur les ossements des parois des cabanes en os de mammouths (traces de peintures sur omoplates, chevrons gravés sur épiphyse de fémur),
- Objets de parure : pendeloques sur dents (bison, ours) à incision annulaire, pendeloques sur coquillage percé, pendeloques ou éléments de collier sur os, ivoire ou bois de renne sculptés,
- Outils gravés (bâton à tête triangulaire avec gravures géométriques).
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